Je suis intervenue, ce jeudi, lors de la discussion à l’Assemblée nationale de la proposition de loi de mon collègue Gaby Charroux visant à encadrer les rémunérations des dirigeants dans les entreprises.
L’occasion de rappeler combien cet encadrement s’avère nécessaire parce que le marché, libre et sans régulation, produit des écarts de rémunérations injustifiables sur le plan économique et injustifiables sur le plan social.
Il existe certes un « Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées » élaboré par l’Association française des entreprises privées (AFEP) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Ce code recommande « la mesure » en matière salariale pour les dirigeants, une « mesure » fondée sur un équilibre à trouver entre « l’intérêt général de l’entreprise, les pratiques du marché et les performances des dirigeants ». Mais c’est parce que ce genre de dispositifs d’autorégulation n’a jamais arrêté les excès qu’il doit être complété.
Les travaux de Camille Landais, tout récent « Prix du meilleur jeune économiste », montrent qu’en France, les inégalités ont recommencé à augmenter rapidement depuis la fin des années 1990. Et il faut citer, parmi les causes, la forte hausse des rémunérations des PDG, sans oublier les rémunérations des stars du sport et des arts et, moins visibles, celles des salariés de l’industrie financière.
En revanche, notons, au passage, qu’aucune étude n’a réussi à prouver que la hausse des rémunérations a amélioré le rendement et la productivité des dirigeants.
Car comment justifier une rémunération extravagante au nom de la compétence ou des performances personnelles quand il est impossible de distinguer ce qui relève du patron en poste, de son prédécesseur, de son équipe dirigeante et de l’ensemble des salariés ? Surtout quand un ex patron de la grande distribution divise par deux la valeur de l’action de son entreprise.
Comment justifier une rémunération extravagante au nom des risques pris et de la précarité de la fonction quand les patrons, par le jeu de participations croisées dans les conseils d’administration où siègent d’autres patrons qui ont profité du système, sont en position de fixer leur propre salaire ? Quand les contre-pouvoirs au sein des entreprises sont toujours aussi limités ? Les actionnaires n’hésitent d’ailleurs plus à se manifester depuis quelques années, en Amérique et en Europe, pour réduire les prétentions des dirigeants de leur entreprise.
Enfin comment justifier une rémunération extravagante pour garder nos talents quand aucun « transfert » n’a jamais eu lieu entre entreprise du CAC 40, ni aucun débauchage par des entreprises étrangères pour des raisons strictement financières ?
Mais c’est sur le plan social et éthique que les rémunérations extravagantes sont les moins justifiables. Car encore trop de Français connaissent des difficultés. Face à ces rémunérations astronomiques, il est utile de rappeler quelques repères pour se faire une idée : selon l’Observatoire des inégalités et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), moins de 10% des Français touchent 3 313 euros nets par mois et le salaire médian en France est de 1 673 euros nets.
Je vous propose la vidéo de mon intervention :