La déchéance de nationalité pouvait sembler une réponse certes symbolique mais forte au regard des actes commis par des terroristes. Mais, à y regarder de plus près, la question de rupture d’égalité des droits des citoyens et d’atteinte au droit du sol peut se poser. Je suis persuadée qu’il faut veiller à maintenir cette égalité des droits et ne pas créer deux catégories de citoyens.
Suite aux attentats de Paris en novembre, le Président de la République, avec gravité et détermination, a annoncé plusieurs mesures pour renforcer la sécurité des Français dont la proposition de mettre en œuvre la déchéance de nationalité pour les bi-nationaux nés en France.
Dans un tel contexte et dans un souci légitime de rassemblement et d’unité nationale il pouvait sembler juste que le Président de la République reprenne à son compte une telle proposition. Mais, avec un peu de recul, cette annonce faite sous le coup de l’émotion et dans l’urgence, peut s’avérer une fausse bonne idée.
La difficulté dans un tel contexte c’est de prendre une décision juste, efficace et équilibrée. Comment ne pas comprendre le Président de la République confronté à une attaque d’une telle ampleur envers notre nation, soucieux d’apporter des réponses fortes et rapides ? Pour autant, la pression médiatique, la pression politique de la droite et de l’extrême droite comme la pression de l’opinion ne doivent pas nous faire oublier ou renoncer aux principes et valeurs auxquels nous sommes attachés et qui guident notre action.
Il faut savoir ne pas répondre trop vite à cette soif insatiable des médias d’information en continue qui semblent imposer le rythme et le calendrier des réformes et des annonces. Prendre le temps de la réflexion, concerter davantage et au préalable les parlementaires au Sénat et à l’Assemblée nationale, préparer collectivement le niveau approprié de réponse, cela nous aurait probablement permis d’éviter une telle polémique.
La déchéance de nationalité, dans une première approche, pouvait sembler une réponse certes symbolique mais forte au regard des actes commis par des terroristes. Mais, à y regarder de plus près, la question de rupture d’égalité des droits des citoyens et d’atteinte au droit du sol peut se poser.
Je suis persuadée qu’il faut veiller à maintenir cette égalité des droits et ne pas créer deux catégories de citoyens : les nationaux et les binationaux. C’est une question de principe et même face à des terroristes nous devons essayer de préserver ces valeurs qui sont au cœur de nos combats et nos convictions profondes. Car renoncer à nos principes c’est aussi d’une certaine manière céder aux terroristes. Et ne stigmatisons pas les Français bi-nationaux qui peuvent se sentir blessés par une telle proposition.
Il convient quand même de rappeler qu’actuellement les étrangers qui ont été naturalisés par décret peuvent déjà être déchus de la nationalité française. Cette déchéance est également prononcée par décret si le Français naturalisé est condamné pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme. Cette disposition existe donc dans notre droit.
Le projet de révision constitutionnelle veut aller au delà et rendre possible la déchéance de nationalité pour les Français nés en France qui possèdent une autre nationalité.
Si je suis plus que réservée sur cette disposition, pour autant, il ne s’agit pas de ne rien faire car nous sommes bel et bien dans une situation de guerre. Certes pas une guerre classique entre deux Etats pour l’appropriation d’un territoire, mais une guerre d’une autre nature, une lutte de civilisation, une lutte contre la démocratie, contre la République, contre les libertés, contre notre mode de vie. Alors ne soyons pas naïfs, ne faisons pas preuve de faiblesse. A situation exceptionnelle nous devons aussi répondre par des dispositions exceptionnelles le temps nécessaire et dans le strict respect de l’Etat de droit et de nos libertés publiques. La démocratie a le droit et même le devoir de se défendre !
Sur ce point, la mobilisation du Président de la République est à saluer. François Hollande, le Gouvernement et plus particulièrement le ministre de l’Intérieur, ont pleinement pris la mesure de la menace à laquelle nous sommes confrontés et mobilisent les différents outils possibles pour garantir la sécurité des Français. Que ne dirait-on si tout n’était pas mis en oeuvre pour faire face à la menace terroriste qui demain peut de nouveau frapper notre territoire !
Je souhaite que nous puissions rapidement sortir d’un débat que les Français ne comprennent pas et dont ils nous font reproche. Non pas que le débat n’est pas légitime, mais il ne faut pas non plus donner le sentiment que nous manquons de volonté d’agir.
Des pistes comme l’indignité nationale doivent être approfondies. C’est le travail parlementaire qui doit maintenant permettre d’avancer et d’élaborer des propositions à même de rassembler largement la représentation nationale. L’indignité nationale permettrait de priver les terroristes de leurs droits civils, civiques et familiaux, leur interdirait l’accès notamment aux emplois de la fonction publique, les priverait de leur passeport, les assignerait à résidence…
Et puis nous devons aussi nous interroger sur les raisons qui poussent certains de nos compatriotes à s’engager sur la voie de l’extrémisme et du terrorisme. Il nous faut comprendre et ainsi prévenir. C’est indispensable en complément du renforcement des mesures de sécurité.