Dans le rapport qu’il a publié intitulée « Comment réussir la transition agro-écologique ? », Pascal Canfin propose d’ « additionner l’impact des changements de pratiques et des technologies plutôt que de les opposer ». Il y a dans ce texte beaucoup de constats pertinents et d’orientations que je peux partager. Mais je ne le suivrai pas dans sa défense, assez naïve, des nouveaux OGM.
Dans le rapport qu’il a publié sur le site du think tank Terra Nova le 23 février 2023 intitulée « Comment réussir la transition agro-écologique ? », Pascal Canfin propose d’ « additionner l’impact des changements de pratiques et des technologies plutôt que de les opposer » et dans ce cadre prend la défense des nouveaux OGM (NBT) présentés comme une solution permettant la réduction de l’utilisation des pesticides.
Il y a dans ce texte beaucoup de constats pertinents et d’orientations que je peux partager. Mais je ne le suivrai pas dans sa défense, assez naïve, des nouveaux OGM (NBT).
D’abord force est de constater que Pascal Canfin donne peu de place à la valorisation des changements de pratiques. Pourtant le recours à la technologie devrait être un choix en dernier ressorts quand le potentiel des changements de modèle agricole a été épuisé. C’est loin d’être le cas. L’agriculture intensive poursuit son règne sans partage alors même que l’INRAE a mis sur la table récemment une synthèse de ses recherches montrant que le tournant agroécologique était une alternative prometteuse aux pesticides.
Ensuite, Pascal Canfin propose deux critères pour autoriser la mise en culture des nouveaux OGM (NBT) : « un critère d’utilité à la transition […] et un critère de traçabilité ». Il reconnait pourtant que les promesses environnementales des OGM de première génération n’ont pas été tenues et que les groupes agrochimiques internationaux qui les promouvaient ne cherchaient qu’à renforcer leur emprise sur les agriculteurs. Mais laissons, pour le moment, cela de coté.
La principale impasse faite par Pascal Canfin est l’absence de toute référence à une évaluation des risques comme si il n’y en avait pas.
Les technologies génétiques permettant de créer ces nouveaux OGM (NBT) sont pourtant très intrusives. Si elles n’introduisent pas un gène étranger dans la plante elles en modifie en profondeur le patrimoine génétique. Comment ce génome modifié s’exprime concrètement en fonction des conditions de culture, comment ces modifications interagissent avec le reste de la biodiversité, nul ne le sait et la science montre déjà clairement que les effets inattendus sont nombreux et importants. Ce n’est pas par hasard si la cour de justice des communautés européennes a considéré en 2018 que les produits de ces nouvelles technologies devaient être considérés comme des OGM et évalués comme tels suivant les règles de la directive OGM de 2001.
Car là est bien le cœur du sujet. Sans jamais le dire, Pascal Canfin soutient une approche de la Commission Européenne visant à proposer un dispositif spécifique d’autorisation de mise sur le marché de ces nouveaux OGM (NBT) pour échapper au cadre d’évaluation trop contraignant à ses yeux de la directive de 2001 sur les OGM.
Que l’on soit ou pas favorable à ces nouveaux OGM (NBT) pourquoi faudrait-il renoncer à en évaluer sérieusement les risques alors que les technologies sont récentes, leurs implications mal connues, et l’importance de leurs effets inattendus déjà établie ?
Quand on voit l’acharnement des mêmes grands groupes agrochimiques internationaux à cacher les dangers des pesticides il semble hasardeux d’accorder la moindre confiance à leurs promesses d’innocuité des nouveaux OGM (NBT). Si la directive de 2001 est inadaptée à la prise en compte des nouvelles technologies alors toilettons-là sans toucher au niveau d’exigence dans l’évaluation des risques. Mais exonérer les nouveaux OGM de toute évaluation réelle parce qu’ils seraient « green deal » compatible est un manquement grave à la plus élémentaire prudence.
Le dernier point de l’argumentation de Pascal Canfin est tout aussi inquiétant. Face au revirement anti « green deal » de la droite européenne et au risque de rejet des objectifs de réduction de l’utilisation des pesticides il propose un grand marchandage OGM contre pesticides : « puisque ces NBT peuvent rendre plus facile la diminution de la consommation des pesticides, il y a là de quoi tracer un chemin clair : l’autorisation sous conditions « Green deal » des NBT doit aller de pair avec la réduction effective des pesticides d’au moins 50 % d’ici 2030 en Europe ».
Si la recherche d’un compromis est la règle au parlement Européen elle ne peut se faire à n’importe quel prix et en étant volontairement aveugle sur les risques possibles des nouveaux OGM (NBT) pour l’environnement et la santé. Pas de nouveaux OGM (NBT) sans évaluation scientifique complète, sérieuse et indépendante des risques devrait être notre corpus commun.
Christophe Clergeau
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