Avant de devenir Député européen en juin prochain, je veux rendre hommage au parcours et à l’action des députés européens des Pays de la Loire qui se sont engagés pour la transformation de notre modèle agricole comme Bernard Thareau l’a fait durant toute sa vie.
Il est né le 2 septembre 1936, à La Rouxière dans le pays d’Ancenis en Loire-Atlantique dans une famille de fermiers. Après avoir terminé l’école à 14 ans et commencé à travailler à la ferme, il s’engagea dans la Jeunesse agricole catholique (JAC), une seconde école, une véritable université populaire où il prend petit à petit des responsabilités et où il apprend l’écoute et le sens du collectif.
Bernard devient rapidement Président du Centre départemental des jeunes agriculteurs (CDJA) de Loire-Atlantique, qui se voulait un syndicat de travailleurs et non de chefs d’exploitation. Il nouera des liens forts avec les syndicats ouvriers CFTC ce qui était inédit pour l’époque. D’autant plus que dans les années 1960, l’Ouest de la France s’est fortement mobilisé avec de nombreuses convergences des luttes entre agriculteurs et ouvriers.
Bernard Thareau et Bernard Lambert, l’un à la tête du CDJA 44, l’autre de la FDSEA 44, sont deux compagnons de route qui développent des réflexions et combats communs autour de l’enseignement, de la coopération agricole, de la planification régionale et des relations avec les pays du tiers monde. Bernard Thareau était réticent envers les pratiques syndicales radicalement minoritaires, l’autre Bernard, issu d’une tendance révolutionnaire du PSU, se mobilise pour que les combats paysans changent la société capitaliste. Mais tous deux ont pris la parole en mai 1968 du haut de la Place Royal à Nantes renommée Place du peuple
Engagé pour des pratiques agricoles collectives, Bernard Thareau pensait que les coopératives avaient un rôle moteur dans l’innovation, l’expérimentation et la protection des agriculteurs qui devaient faire face aux conséquences des aléas liés à la production et aux fluctuations des marchés.
Présent sur la liste socialiste pour la première élection au Parlement européen en 1979, Bernard Thareau devint eurodéputé en 1981, il fut réélu en 1984 et 1989. Bernard Thareau était européen convaincu de longue date. Il voyait l’Europe comme un outil dont on devait se saisir pour construire un ordre mondial moins injuste. Il s’engagea pour :
Un commerce international juste et loyal
Une Politique Agricole commune respectueuse des agriculteurs et de l’environnement
Plus de justice et d’équilibre dans la répartition des fonds européens entre les Etats membres
Militant, syndicaliste, élu, fervent défenseur de la pluralité syndicale, son honnêteté intellectuelle et la cohérence de ses prises de position faisaient de Bernard Thareau un militant paysan crédible et respecté par ses pairs. Il ne cachait jamais ses désaccords envers certains ministres socialistes de l’agriculture (Michel Rocard, ou Henri Nallet) qui refusaient parfois d’engager un rapport de force face au puissant lobby des organisations agricoles. Son idéal militant a été mis à l’épreuve face de l’exercice du pouvoir, cependant Bernard Thareau resta toujours attaché au Parti Socialiste comme lieu privilégié d’échanges et de débat.
En écrivant ces quelques lignes je mesure comme le lecteur l’actualité des combats de Bernard Thareau. On pourrait avoir le sentiment qu’en 30 ans rien n’a fondamentalement changé dans le débat agricole et alimentaire. S’inscrire dans une histoire c’est poursuivre des combats mais aussi espérer les faire aboutir. Plus que jamais nous devons porter la vision d’une agriculture paysanne respectueuse de l’environnement, des agriculteurs, et des consommateurs et mener cette lutte à l’échelle de la planète.
PS : toutes celles et ceux qui voudront mieux connaître et comprendre l’itinéraire de Bernard Thareau pourront se référer comme je l’ai fait au livre de Bernard Bretonnière, François Colson et Jean-Claude Lebossé, “Bernard Thareau : militant paysan”, Editions de l’atelier, 1997.