L’exposition cumulée aux produits dangereux et aux pollutions a un impact important sur la santé. De multiples signaux faibles montrent que nous sommes confrontés à une épidémie qui vient et émerge tout juste. La justification première des politiques de transition écologique doit donc devenir la protection de la santé humaine aux côtés du sauvetage de la planète. La crise Covid ne doit pas nous faire oublier que l’immense majorité des décès est liée aux maladies non transmissibles : désordres cardio-vasculaires, diabète, cancers, affections chroniques des voies respiratoires, troubles musculo-squelettiques et douleurs chroniques, maladies qui se traduisent par une dégradation de la qualité de vie et de l’espérance de vie en bonne santé.
Ces maladies sont liées à de multiples facteurs mais les voyants sont au rouge. Un nombre croissant de substances chimiques a été reconnu comme cancérigène ou perturbateur endocrinien, de nombreux clusters de cancers pédiatriques touchant de manière anormale de jeunes enfants ont émergé, et la communauté scientifique s’est organisée, dans le monde comme en Europe, pour développer des recherches autour de la notion d’exposome représentant le cumul des expositions à des facteurs environnementaux (c’est-à-dire non génétiques) que subit un organisme humain de sa conception à sa fin de vie. Pesticides, produits chimiques, polluants éternels (PFAS), microplastiques, pollutions de l’air, de l’eau, des sols… Tout cela est au coeur de ce débat. Leur point commun est d’être omniprésents, dans notre environnement et dans notre organisme jusqu’à notre cerveau, et d’avoir des effets sur la santé humaine mal connus et donc mal maîtrisés. Souvenons-nous de l’évaluation du glyphosate par l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui soulignait l’insuffisance des données ou méthodes d’analyse pour appréhender complètement les risques environnementaux et sanitaires de cette molécule qui pourtant a été réautorisée pour dix ans par l’Union Européenne (UE). Souvenons-nous également de l’alerte lancée par le directeur général de l’EFSA dénonçant la faiblesse de l’effort scientifique européen pour connaître les impacts sanitaires des pesticides et le manque criant des moyens alloués à son agence pour les évaluer. « Effet cocktail ».
Le plus inquiétant est la méconnaissance presque totale des effets cumulés et synergiques de ces produits, le fameux « effet cocktail ». Ces derniers agissent rarement isolément sur la santé humaine. Ils s’additionnent et forment des combinaisons qui peuvent avoir de lourdes conséquences pour notre santé. Le lancement de « France Exposome » et de plusieurs projets de recherche français, européens et internationaux vise à pallier cette impasse scientifique. A ma demande, l’EFSA a engagé une revue de littérature scientifique sur les effets cocktails concernant les pesticides. Tout cela vient tard et se déploie lentement.
Les produits dangereux sont là, partout et depuis longtemps. Les publications scientifiques établissent déjà un risque de dommage grave sur la santé humaine ce qui devrait inciter à agir dans le cadre du principe de précaution pour réduire l’exposition humaine à ces risques. Nous devons agir sans tarder : mettre en oeuvre l’agenda européen zéro pollution, encadrer l’usage des produits chimiques en révisant la directive Reach (NDLR : Registration, evaluation, authorization of chemicals), restreindre drastiquement le recours aux PFAS, réduire l’usage des pesticides, faire adopter un traité international sur les plastiques. La prise de conscience devrait ramener chacun à une évidence, nous sommes d’abord là pour protéger la santé humaine et celle-ci dépend de plus en plus de la qualité de notre environnement.
Christophe Clergeau, député européen, vice-président du groupe Socialistes et Démocrates