Bruxelles, le 30 novembre 2023
Monsieur le Président,
Madame le Premier ministre,
Monsieur le Ministre,
En tant que membres du Parlement européen issus de différents États membres et groupes politiques, nous souhaitons commenter la controverse française actuelle sur la reconnaissance faciale, car elle est particulièrement pertinente pour la loi sur l’IA actuellement négociée au niveau de l’UE.
La semaine dernière, Disclose a révélé que la police française utiliserait des technologies de reconnaissance faciale depuis 2015 en l’absence de tout cadre juridique, en contournant sciemment les garanties contenues dans la loi’, et en dehors de toute procédure officielle de passation de marchés publics.
Cependant, dans le contexte de la « loi sur les jeux olympiques », qu’il a défendu devant le Parlement français, le ministre de l’intérieur Gerald Darmanin a déclaré publiquement à deux reprises qu’il était opposé à la légalisation et à l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale par les forces de l’ordre dans les espaces publics, en raison des risques et de l’impact disproportionnés qu’elles auraient sur les libertés civiles. La police française, dont il est responsable, semble avoir une pratique complètement différente, sans contrôle et sans recours juridique. Nous nous félicitons de l’ouverture d’une enquête et espérons que tout constat d’illégalité sera traité avec plus de rigueur qu’auparavant.
Sans entrer dans les détails de l’affaire, et dans l’attente des résultats de l’enquête menée par CNIL, nous pensons que cette affaire devrait servir de leçon pour les négociations en cours dans le cadre de la loi sur l’lA au niveau européen.
Si le ministre responsable de la police dans un Etat membre de lUE a effectivement dissimulé l’existence de pratiques illégales d’identification biométrique à distance pendant des années, s’il a menti aux membres du Parlement et aux citoyens, ou s’il n’a pas été informé de l’utilisation de cette technologie par sa propre administration, cela montre que nous avons besoin de toute urgence d’un cadre européen directement applicable pour renforcer la protection des droits fondamentaux.
En réponse aux révélations de Disclose, le ministre de l’Intérieur a affirmé que l’identification biométrique à distance n’avait pas été utilisée. Nous notons qu’il a nié avec véhémence être
en faveur de son déploiement. Nous espérons done qu’il fera le nécessaire pour que la France soutienne la position du Parlement au Conseil.
Pour les trilogues en cours, nous appelons les autorités françaises à soutenir le Parlement européen dans sa demande d’interdiction stricte et complète de l’utilisation des technologies de surveillance biométrique dans les espaces publics accessibles. En effet, la France a jusqu’à présent pris la direction opposée, réclamant avec insistance une exemption des forces de l’ordre de l’interdiction de lidentification biométrique à distance, sous réserve de garanties (article 5 de la loi sur l’IA). Comme nous constatons que les garanties déjà en place sont contournées, nous nous attendons à ce qu’il en aille de même pour toute exception inclue dans la loi sur l’IA – c’est pourquoi nous avons besoin d’une interdiction totale.
Nous vous appelons à défendre une interdiction ambitieuse et intransigeante de la surveillance biométrique de masse dans les espaces publics accessibles.
Nous vous prions d’agreer, Monsieur le President, Madame le Premier ministre, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments distingués,
Les eurodéputés soussignés,
Brando Benifei, S&D Rapporteur pour le Al Act
Petar Vitanov, S&D Shadow pour le Al Act
Sergey Lagodinsky, Verts/ALE Shadow pour le Al Act
Kim Van Sparrentak, Verts/ALE Shadow pour le Al Act
Cornelia Ernst, GUE Shadow pour le AI Act
Katerina Konená, GUE Shadow pour le Al Act
Sylvie Guillaume, S&D
David Cormand, Verts/ALE Patrick Breyer, Verts/ALE
Raphaël Glucksmann, S&D
Anne-Sophie Pelletier, GUE
Gwendoline Delbos-Corfield, Verts/ALE
Aurore Lalucq, S&D
Nora Mebarek, S&D
Leila Chaibi, GUE
Michèle Rivasi, Verts/ALE
Lydie Massart, S&D
Christophe Clergeau, S&D
Pierre Larrouturou, S&D
Damien Carême, Verts/ALE
François Alfonsi, Verts/ALE
Benoit Biteau, Verts/ALE
Marie Toussaint, Verts/ALE
Claude Gruffat, Verts/ALE
Karima Delli, Verts/ALE
Mounir Satouri, Verts/ALE Caroline Roose, Verts/ALE
Birgit Sippel, S&D
Ana Miranda, Verts/ALE
Tineke Strik, Verts/ALE
Francisco Guerreiro, Verts/ALE
Saskia Bricmont, Verts/ALE
Rosa d’Amato, Verts/ALE
Dietmar Köster, S&D
Petra Kammerevert, S&D
Mikulas Peksa, Verts/ALE
Marketa Gregorova, Verts/ALE
Mick Wallace, GUE
Clare Daly, GUE
Karen Melchior, Renew
Ivan Vilibor Sincic, NI
Clara Ponsati i Obiols, NI
Özlem Demirel, GUE
Élena Koundourá, The Left
Marcel Kolaja, Verts/ALE