Communiqué de presse
Bruxelles, le mercredi 25 octobre 2023
La commission nationale déontologie et alertes en santé publique et environnement (cnDAspe) a publié aujourd’hui son avis sur la politique de l’Union européenne concernant les pesticides candidats à la substitution. Cet avis sonne comme un constat d’échec pour la mise en œuvre d’une politique pourtant obligatoire destinée à protéger la santé et l’environnement : l’obligation de ré-autoriser les pesticides les plus dangereux que s’il n’y a pas d’alternatives disponibles. Il fait suite à la saisine effectuée en avril 2023 par Éric Andrieu, député européen, et 18 parlementaires européens et nationaux, qui pointaient du doigt le rôle de l’OEPP (organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes), une organisation intergouvernementale non-européenne fortement influencée par les lobbies, dans l’élaboration des règles encadrant la substitution.
Le droit européen prévoit que les pesticides considérés comme particulièrement dangereux ne peuvent être ré-autorisés qu’après la recherche sérieuse de solutions alternatives. Dans les faits, l’avis de la cnDAspe met en lumière un système biaisé préparé par les acteurs de l’industrie agrochimique pour éviter un maximum de substitutions.
La commission relève ainsi que : « les auditions […] ont montré qu’il y a un écart entre la volonté affichée et sa déclinaison, qui force l’immobilisme, sans doute à part égale pour des raisons pratiques et par conservatisme. »
Après s’être penchée sur les recommandations de l’OEPP pour décider des substitutions, qui ont été reprises comme telles par la Commission européenne et les Etats membres de l’UE, la cnDAspe déplore que « le guide [de l’OEPP] donne un poids particulier aux solutions chimique et déconseille effectivement le remplacement des solutions chimiques par des ensembles de solutions chimiques et non chimiques, ou par des schémas de lutte intégrée. » Elle ajoute par ailleurs : « on peut supposer que les préoccupations […] et l’expertise [des entreprises agrochimiques] a imprégné les travaux de l’organisme sur l’évaluation comparative. »
La commission formule une longue liste de recommandations pour améliorer la recherche et le développement de substituts, renforcer la procédure d’examen, revoir les priorités d’examen des procédures de substitution, ou encore renforcer la transparence de ces procédures en limitant tout conflit d’intérêt. Son constat est clair :« L’ineffectivité du dispositif de substitution européen est problématique […] d’une part [parce que] les risques pour la santé publique et l’environnement liés à l’usage des produits phytopharmaceutiques sont de mieux en mieux documentés [et] d’autre part [parce que] les autres instruments visant la réduction de l’usage des pesticides [..] sont eux-mêmes ineffectifs. […] Force est de constater que les objectifs de réduction ne sont pas atteints. »
« Ce qui est clairement mis en lumière, c’est que l’objectif de réduire l’usage des pesticides les plus dangereux et de développer des alternatives reste, dans les faits, lettre morte. Les objectifs fixés au niveau européen doivent être mis en œuvre, pas contournés à cause de règles écrites par l’industrie » déclare Christophe Clergeau, député européen socialiste en charge des questions agricoles et environnementales.
Au moment où la Commission européenne est sous pression pour renoncer à son ambition de réduction des pesticides en Europe, les failles pointées du doigt par la commission nationale déontologie et alertes en santé publique et environnement française doivent être colmatées d’urgence. Les autorités françaises et européennes doivent en tirer au plus vite toutes les conséquences.
« Quand on voit que le gouvernement français est prêt à ré-autoriser le glyphosate pour 7 ans au prétexte qu’il faut le traiter comme un pesticide candidat à la substitution, alors même que l’avis de la cnDAspe montre que le système de substitution actuel ne fonctionne pas efficacement, on se dit qu’on marche sur la tête. Et à la fin, c’est la santé des citoyens et l’environnement qui trinquent » ajoute Christophe Clergeau. « Une fois de plus, on constate le manque de volonté politique pour rendre réellement possible la transition agricole. J’interrogerai la Commission européenne sur les suites qu’elle entend donner à cet avis. » conclut-il.
Retrouvez l’avis de la cnDAspe à l’adresse suivante :